dimanche 16 novembre 2014

le bleu qui traverse




 


 

 




                                           
                                  Sayed Haider RAZA Purush Prakriti Bindu,




Pour France D. qui est partie rejoindre les galaxies parlantes, les fluctuations quantiques  du cosmos, la marée et la parole qui se dit toujours, secrètement, dans le silence murmurant des présences toujours vivantes














Elle n'a pas voulu que le numérique la fige, mais j'ai voulu retenir ce reflet vivant de son passage,  de notre dernière rencontre cet été, "magique" m'avait t-elle écrit, C'est  de ses visages qui n'ont pas besoin d'être capturés pour vivre dans les coulisses vibrantes des mémoires.









 
Sayed Haider RAZA Bindu Radiation, 2010, acrylique sur toile, 100x100cm





"Les ailes du désir" est diffusé, là, dans la nuit,  j'entends les acrobates, et l'ange qui a choisi le temple de la matière, et Colombo qui a vendu son armure pour 500 dollars.
France, elle,  est repartie nager, sans rien, dans cette si belle présence au monde, ce don, écoute et poésie de chaque parole, regard. 
Elle savait lire cet invisible  dans une œuvre, cet espace en suspens qui lui parlait une langue singulière qu’elle donnait, qu'elle donne à voir, dévoiler, comme une prophétesse souvent.
Je ne parlerai pas longtemps  ici de ce don fait qui m'a aidée à entrer "en peinture" de ces mots qu'elle m'a offerts comme un  passeport à traverser les regards. Mais merci. 

France était peintre aussi, elle à connu les toiles et les pages, la philosophie, les secrets du zen et les silences évadés  de la psychanalyse, elle a témoigné, filmé, raconté la vie et l’œuvre d'artistes qui ne l'oublieront pas, je l'espère... 
Et qui avanceront vers d'autres territoires, comme elle l'aurait aimé.

Elle transformait les moments du quotidien en instants de passages, toujours dans cette frontière entre poésie de la relation et inconnu, vertige de la découverte à venir..
Toujours prête à transmettre, à recueillir, à imaginer.
L’écriture lui "arrivait" disait elle. Elle se donnait à elle, elle n'avait plus qu'a saisir les signes et à nous redonner  l'itinéraire de ces sillages. Mais pour cette réalisation, combien d'écoute, de sensibilité, d'attention, de cristal vers l'autre.

France aimait nager l'hiver dans la force des vagues, sans peur.
Je pense qu'elle traverse les murs maintenant,  dévale l'espace temps,  et nous dévoilera encore ces espaces qu'on ne peut que frôler et qu'elle a  inlassablement arpentés pour nous en restituer la force et la  liberté.


Voici un lien vers sa parole, ses derniers écrits, dons, encore. 

16 nov 2014







vallée de l'étonnement, vers là où elle marche encore - 2001 sur carte marine



séquence photographique de de duane michals



Une rencontre a eu lieu  au château CIAC de Carros le 24 novembre 2014, en hommage à notre très chère France.
Ses amis ont écrit et lu des textes en sa mémoire.
Ci dessous le texte de Gilbert Pedinielli  qui n'a pas été lu et qui nous rappelle la force d’écoute sensible de France, son parcours artistique, politique et humain de passeur entre ...
Je le remercie de m'avoir représentée à Carros  et d'avoir lu mon texte, écrit il y a des années, mais qui semblait  l'avoir  rencontrée.




France DELVILLE



J’ai connu France dans les années 75, pas du tout dans le circuit de l’art, mais à IBM, à l’occasion d’une visite de groupe au centre de Design.


C’était encore l’époque flamboyante des hippies, longue robe et Bandana dans les cheveux : ce qui fut une attraction dans le milieu des costumes trois-pièces-cravatés.


40 ans déjà, coucou nous revoilà !


Les années passant, chacun continuant son chemin, nous nous retrouvâmes  sur les voies escarpées de l’art de  l’arrière pays niçois au sujet d’une exposition : « les femmes en guerre », titre qui l’avait titillée.  Je dus passer à l’interrogatoire  qu’elle savait si bien mener.  Sa première écriture sur mon travail.


Bien sûr, la galerie De La Salle était un lieu de rendez-vous régulés par les vernissages.

« Tu ne m’appelles jamais, France ! » « Oh, le Corse ! ».  Pas très intellectuel.


Nous nous revîmes plusieurs fois par semaine à la fin des années 90 avec la fondation de l’ADN pour lutter contre la venue de Le Pen à Nice. 

Après, elle intensifia la psychanalyse, je me remis à fumer.


Le début de ce siècle fut une période élastique et dure.  Chacun ses problèmes.  Avec rencontres tangentes ou sécantes suivant les aléas de l’art. 

Et comme par hasard, c’est quand on vieillit que l’on fait encore plus attention à l’autre.


Marylin M. scella une amitié.  Elle écrivit, elle filma, elle analysa deux de mes expositions.  Toujours en urgence. mais toujours près du travail.  Avec son temps serré, elle en fit une somme.



Anecdote :

Face à sa caméra, je lui racontai ma rencontre juvénile avec la star à Nice.  Le temps n’existait plus.  J’étais emporté dans mes mensonges devenus réalité et je ne voyais pas ses larmes qui coulaient.  Elle, cachée derrière la machine.  Après, tous les deux gênés.

Une femme qui pleure quand on lui raconte une belle histoire d’amour ne peut être foncièrement mauvaise malgré la psychanalyse.


Toi, tu n’as pas vu nos pleurs.

Gilbert Pedinielli
nov 2014








 

Ci dessous mon texte écrit pour France en  2000.,  ce texte l'avait touchée et  elle avait exprimé un souhait,(...) le voici, toujours à son écoute aussi ...

 

 

 

 

 passagère
de l’entre deux
déjouant les pesanteurs 
sa pensée, matière éclairante
trouve le juste lieu 

sa   parole  ouvre des clairières
des silences vibrants
des profondeurs questionnantes   

sculpteur des signes et des lumières
elle redonne  ses formes à la voix qui se tait


à France

je ne sais pas le temps de son histoire
posée, partie, allant vers de drôles de clartés
étrange, étrangère,
elle écoute le vent  venus d’autres déserts

les sables l’interrogent et dénouent leur splendeur

je ne sais pas le lieu de sa mémoire qui emporte les éclats de pensées silencieuses
qu’elle écoute

une autre ville
d’autres lieux
une fontaine d’invisible
baigne ses dires

pensée   quantique
ici et là-bas,`frôlant les miracles et les douces dérives
elle ramène en un lieu
dans une tranquille révélation
ces mondes enfouis et  les histoires
de ces gens
qu’elle connait  ou qu’elle accueille

en un lieu ou les mots se chargent de vie
simplement

je ne sais pas pourquoi son regard transforme
les contours de nos lieux indicibles
comment son geste relie les jours  ?
mais ce fil qu’elle tisse
dans le fracas des mémoires incertaines
je l’ai rencontré

ce n’est pas un fil, pas un souvenir
qui redit ses mémoires
c’est le neuf
la force du présent qui nous invite à la rejoindre

dans sa parole passagère

cs, avril 2000



 


 

 
ph. G. Pedinielli



2 commentaires:

  1. Magnifique hommage, très émouvant, dans la simplicité des mots du cœur qui dépeignent si précisément une amitié et l'amie qui explore à présent d'autres mondes que cela donne l'impression de la connaître aussi un peu...
    MaB

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