samedi 18 septembre 2010

à un ami, un marcheur - frédéric voilley


au kaki

Sous-sols



Regarder ses toiles, les traverser, c’est entrer dans un autre espace, une présence/absence, un no man’s painting . Il ne cherche pas d’étranges équations pour séduire le contemplateur. Planqué de l’autre côté du hasard, il tisse des mouvements, des pliures, des torsions qui révèlent la couleur, démontent nos conceptions d’harmonies ronronnantes…

L’absence. Le silence de la séduction nous laisse sur le carreau. Effrayés, immobiles. Devant des zones intouchables qu’il dévale, hors du regard, là où se trament les montages de non-repères évaporés..

Le monde n’existe pas, l’homme le fait exister en interprétant les signes qu’il nous offre, dit le talmud..

Voilley interroge ses mémoires, défait une à une les murailles des habitudes… Il a fait des murs, Voilley, de pierres, et défriché, éclairé des jardins, taillé des vignes.. Il dit lui-même que marcher, dormir, ou peindre, c’est pareil.

Alors, dans ses ateliers invisibles, perdus dans des sous-sols inaccessibles où les huiles trempent les murs entre les moteurs et les bagnoles, il délie les strates des pensées arrangées, peint même des toiles qui ne sortent plus des lieux par la porte, trop étroite !


Des toiles vibrantes dans une obscurité qu’il interroge et éclaire à force de nœuds, de couleurs conversées….

Et, si vous sortez de là une de ces toiles, dans les marques des humidités qui la font vivre, dit-il, il y aura une rencontre, au plus loin des signifiés insaisissables, dans une rigueur amusée que le désir de plaire ne conduit plus.


Voilley a démonté les gonds des portes cochères, et nous livre un itinéraire non balisé. Celui même qui le fait courir sur les crêtes et manger des olives vertes, hors des garde-fous de la peinture d’atelier. Une peinture de sous-sols, là où se trament les racines de toiles vivantes qu il nourrit dans la lumière abrupte de ses partitions. Parce que Voilley connaît la musique. Il sait les nuances et les parcours des sonorités chromatiques. Mais il n’en joue pas pour faire vibrer. Il en écarte les harmonies pour laisser place à ces lieux où l’interrogation se pose dans l’inquiétante étrangeté des imprévisibles.


Des fœtus suspendus sur des toiles blanches. Nœuds vibrant aux abords des zones sans retour. Mais Frédéric traverse, nous égare… Démonte les peurs et crée des clairières opiniâtres. Chercher, ne pas conduire…

A chaque nouveaux regards, ses toiles se donnent à voir, un peu plus. Mais si vous ne voyez pas, il vous dira sur un ton dégagé : c’est rien, c’est de la merde !


Alors, on regarde encore, on entrevoit d’autres architectures, mirages fluctuants, qui ne semblent jaillir que de l’espace intérieur. Des résurgences.


Comment fait-il, pour nous parler sans se montrer, ainsi, juste en nous faisant frôler ces courants qui murmurent, incessamment, de loin, là où on ne sait pas voir !

carol shapiro Juillet 2003




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